Par Matthieu Auzanneau dans Le Monde du 07 Novembre :
Pour la presse anglo-saxonne, l'entrevue entre les présidents français et américain, mercredi 7 novembre à Mount Vernon, la maison de George Washington, constitue pour les Etats-Unis une chance inespérée d'infléchir leurs relations avec la France et l'Europe en général.
The Daily Telegraph, quotidien britannique conservateur, salue la bonne nouvelle pour George W. Bush, en mal de nouveaux alliés occidentaux : "C'est étrange à dire, mais M. Bush a aujourd'hui plus besoin [de Nicolas Sarkozy] que l'inverse." A Boston,
The Christian Science Monitor remarque : "Contrairement à M. Chirac, qui avait affaire à une Amérique qui se comportait (...) comme une 'hyperpuissance', Sarkozy rend visite à une Amérique plus humble, qui met de côté sa propension à agir seule." Le
Los Angeles Times poursuit sur le même mode, citant Jeremy Shapiro, un expert en relations internationales : "La France, le seul pays qui ne soit ni un ennemi de Washington ni son pigeon, représente un test décisif pour restaurer les relations avec l'Europe."
"LE FRANÇAIS LE PLUS CHARMANT DEPUIS PÉPÉ LE PUTOIS"
Rappelant que George W. Bush doit également s'entretenir vendredi au Texas avec la chancelière allemande, Angela Merkel,
The Washington Post voit dans ces deux rencontres l'occasion pour le président américain "de claironner que les relations transatlantiques sont maintenant renforcées", alors que "les leaders européens avec lesquels Bush avait les liens les plus forts – Tony Blair et l'Espagnol Jose Maria Aznar – ne sont plus là". Mais le quotidien de référence tempère aussitôt : "Il n'est pas du tout évident que Sarkozy et Merkel disposent de la marge de manœuvre nécessaire pour être d'un grand secours à Bush, compte tenu de la persistante et profonde impopularité de l'administration Bush en France et en Allemagne." La personnalité de Nicolas Sarkozy n'en représente pas moins une opportunité sans précédent pour Washington.
The Washington Times, considéré comme le porte-voix des néo-conservateurs américains, se réjouit du réchauffement des relations avec "ces lâcheurs de singes mangeurs de fromage" – reprenant l'insulte favorite du personnage de dessin animé Homer Simpson à l'égard des Français : "On n'avait pas vu un Français aussi charmant sur nos côtes depuis Pépé le Putois [un autre personnage de dessin animé, affublé d'un accent français], ou Maurice Chevalier."
"SARKOZY EST LE PRÉSIDENT FRANÇAIS LE PLUS PRO-ISRAÉLIEN DEPUIS DES DÉCENNIES"
The Christian Science Monitor détaille ce que M. Bush peut attendre de son homologue français, citant Simon Serfaty du Centre d'études internationales et stratégiques de Washington : "Avec Sarkozy, les Français réaffirment (...) qu'ils sont les alliés les plus capables de faire avancer les choses." Sur le dossier iranien, le quotidien de Boston note : "Sarkozy a fait sienne la stratégie de Bush en faveur de sanctions parallèles faisant l'impasse sur les Nations unies – dans le cas de Sarkozy en faisant appel à l'Union européenne." A propos de la Palestine, Simon Serfaty constate que "Sarkozy est le président français le plus pro-israélien depuis des décennies". En ce qui concerne l'alliance atlantique, The Christian Science Monitor interroge Charles Kupchan, un expert de la politique étrangère des Etats-Unis à l'université de Georgetown à Washington pour qui "la Maison Blanche attend des avancées concrètes, peut-être un engagement ferme de la France à assister l'OTAN dans les combats en Afghanistan", ou mieux encore, une confirmation des "allusions de Sarkozy à une réintégration de la France au sein du commandement central de l'OTAN". Mais à l'instar du Washington Post, le Christian Science Monitor se veut prudent. Charles Kupchan constate : "Pour l'instant, tout ça c'est de la rhétorique, des paroles enjouées sur la restauration des relations [de Paris] avec Washington, guère plus."